Pour une reconnaissance de l'année de césure

03/09/2014

Nommée la semaine dernière Ministre de l'Education Nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Najat Valaud-Belkacem n'a pas tardé à donner ses premières orientations et à annoncer ses futurs chantiers. Invitée au colloque de la CPU (conférence des présidents d'universités) du 28 Août, Madame Valaud-Belkacem a déclaré vouloir lancer « une réflexion conjointe sur une rénovation pédagogique ambitieuse et donner à la pédagogie la place qu'elle mérite », assurant que cette question était pour elle « un sujet phare pour les années à venir ».

S'il y a une caractéristique qui pourrait qualifier notre enseignement supérieur, c'est bien sa rigidité pédagogique, que cela soit dans les formes que prennent les enseignements, mais également dans la trajectoire des parcours des étudiants. Notre système scolaire met une forte pression sur ses élèves et ses étudiants, en imposant un parcours rectiligne dont il est complexe de dévier (passer son bac, faire ses études, obtenir son premier emploi), donnant l'impression que tout est joué à 18 ans, voire avant.

La France est d'ailleurs le pays où l'âge moyen des inscrits de l'enseignement supérieur est le plus faible (21,5 ans, contre 26,6 au Danemark, 26 au Royaume-Uni et 25,5 ans en Suède). Elle impose un modèle de réussite unique au sein duquel il faudrait obtenir une licence en 3 ans, un master en 5 ans et être inséré professionnellement à 23 ans. Les parcours atypiques sont stigmatisés au lieu d'être valorisés, ce qui peut créer un sentiment d'échec très fort chez un grand nombre d'étudiants. La société française construit des diplômés avant de construire des adultes.

Prévoir un cadre règlementaire à l'année de césure

Aussi, il est indispensable de faire évoluer cette situation et de permettre aux étudiants une plus grande flexibilité dans leur parcours. Une des solutions à cela serait d'adopter un cadre règlementaire pour l'année de césure. En effet, ce dispositif permettant aux étudiants de développer des compétences complémentaires à leur formation, n'est bien souvent pas encadré dans les universités. Si bien que les étudiants ayant un projet particulier (création d'une entreprise, engagement bénévole, ...) se retrouvent obligés de contourner le système actuel, et n'ont aucun moyen de faire valoir les compétences acquises lors de cette expérience.

Décidées à offrir une solution rapide et concrète aux étudiants souhaitant s'engager, la FAGE et ANIMAFAC ont unis leurs efforts pour porter en commun, notamment lors de la dernière grande Conférence Sociale, la demande d'un dispositif réglementaire.

La FAGE et ANIMAFAC demandent la mise en place d'un tel cadre règlementaire afin de rendre notre système pédagogique plus souple et plus à même de prendre en compte les compétences transversales.

Ce dernier doit porter certaines assurances pour l'étudiant et l'établissement d'enseignement.

Il doit garantir aux étudiants ayant recours à une année de césure de pouvoir poursuivre leur formation là où ils l'avaient interrompue et ainsi appliquer une logique de "report d'études" comme cela existe pour certaines formations en santé. Ainsi l'étudiant ne serait pas pénalisé puisque les "droits à bourse" suivraient cette logique de report.

Il doit également garantir les mêmes conditions d'inscription lors de la rentrée suivant l'année de césure, notamment entre deux cycles, de même que la réinscription administrative de l'étudiant, permettant ainsi à ce dernier de maintenir les avantages liés à son statut (accès aux services du CROUS, SUAPS, service de santé universitaire, bibliothèques, couverture sociale...) , et à l'établissement de savoir qu'il s'agit d'un étudiant en césure, et non d'un décrocheur.

Reconnaitre les compétences non-formelles des étudiants

La reconnaissance des expériences réalisées pendant l'année de césure, qu'il s'agisse d'une expérience de mobilité, de volontariat, d'engagement associatif ou autre doit être un élément central de ce dispositif.

Cette reconnaissance ne doit pas passer par l'attribution de crédits ECTS, mais par un accompagnement personnalisé de l'étudiant dans une démarche d'identification et de valorisation des compétences acquises dans le cadre de son expérience. Ces compétences, conformément aux préconisations du cadre national des formations, une fois identifiées seront mentionnées dans l'annexe descriptive au diplôme remis à l'étudiant et l'accompagnement pourra notamment prendre appui sur le Portefeuille d'Expériences et de Compétences (PEC).

Enfin, l'édition d'un livret comprenant des témoignages d'étudiants et des infos pratiques (relatives, notamment, au cadre conventionnel détaillé ci-dessus) serait un signal pertinent envoyé par l'Institution quant à la reconnaissance de l'année de césure comme une étape utile dans le parcours d'un jeune.

Dans un pays où un étudiant en césure est encore considéré comme un étudiant décrocheur, nous ne pouvons que nous interroger sur la rigidité du système. Il est indispensable de le rénover, de le rendre plus favorable au développement des compétences non-formelles des étudiants. La nouvelle Ministre de l'Education Nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche devra se saisir de cette question, centrale dans la rénovation pédagogique qu'elle appelle de ses vœux.

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