Retour sur le XXème rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le "mal logement" : la crise s'intensifie

11/02/15

Le 3 février dernier, la FAGE était présente lors de la présentation au parc des expositions de Versailles du 20ème rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal logement en France.

Revenant sur 20 ans de politiques du logement, la fondation dresse un constat accablant de la situation actuelle et porte un sévère jugement sur les mesures et les volontés politiques des gouvernements, de gauche comme de droite, qui se sont succédés au pouvoir.

Un constat sans appel

Selon un récent rapport de l'IGAS1 (dont François Chérèque a participé à la rédaction), on apprend qu’entre 2011 et 2012, les étudiants, les enfants et les familles monoparentales sont les seules parties de la population qui ont vu leur taux de pauvreté augmenter.

Source : Insee première

Ces trois publics présentent un point commun, celui d'être souvent contraints à vivre dans des logements de petite surface. L’augmentation de leurs effectifs mise en parallèle à la pénurie sur le marché des logements de petite surface a provoqué une forte dissension entre besoins et offre.

Les chiffres sont sans appel : 10 millions de personnes sont en situation de fragilité par rapport au logement, dont 3,5 millions mal-logés au sens strict (sans domicile, en chambre d’hôtel, en camping, dans des abris de fortune, des logements insalubres ou dans des conditions de logement très difficiles).

Les jeunes, exclus des dispositifs publics d’accès au logement social

Le parc de logement social est aujourd'hui devenu inaccessible aux jeunes. Manuel DOMERGUE, directeur des études de la Fondation, explique que « les dispositifs d’aide ne sont plus adaptés et se sont engorgés ». Avec 1,8 million de ménages en attente d’un logement social (sans compter ceux qui renoncent aux droits par manque d'information ou par censure), 450 000 logements seulement sont attribués chaque année.

Comment un jeune peut-il avoir accès à un logement autonome dans cette situation ? C'est la question posée par la FAGE lors de la présentation par la fondation, et la réponse est catégorique : « Impossible ! ». Les logements CROUS notamment, largement insuffisants, ne permettent qu'à 7% des étudiants de se loger.

Neuf étudiants sur dix doivent choisir entre rester dans le logement familial ou trouver un logement au sein d'un parc privé aux prix souvent prohibitifs.

Lors de cette présentation, le témoignage d’un jeune est venu illustrer la crise du logement et la manière dont les jeunes sont aujourd’hui exclus des dispositifs. En rupture avec sa famille, il était trop jeune pour pouvoir bénéficier du RSA. Sans diplôme mais désirant suivre une formation, il a du faire appel au réseau des associations qui lui a permis de poursuivre ses projets en lui mettant à disposition un logement. Un éducateur spécialisé témoignait "Lorsqu'un jeune arrive en rupture familiale c'est la rue. Il n'y a aucune aide"

Quel est le message envoyé à la jeunesse, pourtant sensée être une priorité du quinquennat ?

1995-2015 : 20 ans de crise du logement

En 20 ans la crise s’est gravement accentuée. Les facteurs de pénurie sont multiples.

L’évolution du rythme des constructions en France suit le parcours de montagnes russes au gré des différents dispositifs et mesures votés depuis 20 ans « en faveur de la construction ». La FAGE et la Fondation Abbé Pierre estiment à 500 000 le nombre de logements neufs devant être construits par an pour enrayer la crise actuelle.

La période est aussi marquée par la destruction massive d’une partie du parc de logement étudiant. Le directeur de la fondation indique qu'« On détruit et reconstruit le même nombre de logements, mais souvent à un prix différent et le logement devient alors inabordable".

Prise de conscience et revirements politiques

Les gouvernements et ministres du logement qui se sont succédés depuis 20 ans ont chacun marqué la politique du logement, en donnant souvent leur nom à une loi.

Étaient invités lors de la présentation du rapport de la Fondation quatre anciens ministres du logement : Cécile DUFLOT, Louis BESSON, Gilles DE ROBIEN et Benoist APPARU.

L’évènement a été marqué par le face à face, lors de la table ronde, entre Cécile DUFLOT et Sylvia PINEL qui lui a succédé au poste de ministre du logement dans le gouvernement VALLS 1.

L’ancienne ministre défendait sa version de la loi ALUR, faisant le procès de la situation du mal logement en France. Ses interventions ont posé des interrogations sur la politique actuelle menée : "Avec l'argent public de la défiscalisation pour la construction on a financé le capital des populations les plus favorisées", "Pourquoi l'étude de l'IGAS-IGF sur les APL existe t-elle ? Pour faire des économies dans l'un des plus gros budgets : le logement".

Patrick DOUTRELIGNE, Directeur Général de la fondation enfonce le clou en déclarant que "Le monde de l'immobilier et les promoteurs se sont gavés de subventions publiques ».

L’actualité était marquée par la sortie d’un rapport qui mettait en cause l'Aide Personnalisée au Logement pour les étudiants. La FAGE a directement posé la question de l’avenir des APL à la fondation et à son directeur qui avaient la veille eu rendez-vous avec le Président de la République.

« On a maintenant l'assurance que l'on ne va pas toucher à l'APL pour les jeunes. Le Président de la République nous a dit que c'était un non sujet ».

La FAGE milite depuis son retrait pour le rétablissement la Loi ALUR DUFLOT, sur laquelle il précise « Elle n'était pas parfaite, mais c'est un déni de démocratie que d'abroger la Loi ». Comme la FAGE l’écrivait dans son communiqué de presse en septembre 2014, il confirme que « c'est bien le lobby de l'immobilier qui a décrété la mise à mort de la loi ALUR […] Que cette loi soit mise à mal ainsi, c'est pour nous une source de colère ».

Une politique gouvernementale en dehors des réalités

Le discours de la ministre Sylvia PINEL devant l’auditoire est apparu en complet décalage avec l’urgence de la situation du logement en France.

Les mots « jeune » et « étudiant » n’ont à aucun moment été mentionnés dans son discours de 45 minutes, alors qu’ils sont les premières victimes de la crise actuelle. La ministre s'est contentée d'énumérer une liste de mesures toutes aussi palliatives les unes que les autres, sans répondre véritablement à la problématique.

Des propositions et des solutions

Selon la Fondation, "Il faut arrêter de changer de politiques sans cesse". Le marché de l’immobilier et de la construction a besoin de stabilité et les revirements à chaque changement de gouvernement nuisent à la construction.

Pourtant les solutions existent et la Fondation les a rappelées. La dégradation du contexte économique et social, renforcée depuis la crise de 2007, a joué un rôle accélérateur et même amplificateur des difficultés rencontrées par la population et plus particulièrement les jeunes dans l’accès à un logement digne.

Il faut ainsi un réinvestissement financier de l’État et des collectivités territoriales, un arrêt des politiques d’urgence ou encore la mise en place d’un véritable Contrat Social pour une politique du logement qui aille au delà des intentions et des discours.

La journée s’est conclue par un appel de Raymond Etienne, Président de la Fondation, aux citoyens, associations et organisation :

"Il faut combattre la misère et ses causes […] Vient m'aider à aider les autres !"

Jeudi 12 février, participez à la Nuit Solidaire pour le logement !

La FAGE se joint à l’appel à participation de la Fondation à « La nuit solidaire pour le logement » qui se déroulera de 18 heures à 6 heures du matin, sur la place de la République, avec 32 associations réunies pour une nouvelle politique publique du logement. Des personnes sans abri et mal logées seront ainsi mobilisées autour de plusieurs temps forts.

Sources

1 Évaluation de la 2ème année de mise en oeuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.

Haut de page

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous améliorer votre navigation, réaliser des statistiques de visites et vous donner accès à certaines fonctionnalités comme le tchat. En savoir plus et paramétrer les cookies individuellement