Le tutorat par les pairs, bien plus que de la solidarité entre étudiants

21/01/16

La plupart des établissements d’enseignement supérieur accueillent aujourd’hui dans leurs murs un tutorat pour les étudiants. Ces tutorats poursuivent des objectifs multiples et s’inscrivent dans une logique de complémentarité avec les cours dispensés par les établissements afin de garantir une égalité de réussite dans l’enseignement supérieur.

Historiquement, les premiers tutorats sont apparus dans les filières médicales. En effet, les étudiants de PACES (Première Année Commune d’Etudes en Santé) et ses ancêtres (première année de médecine et de pharmacie) sont confrontés à des cours en immenses amphithéâtres, avec dans la plupart des facultés une impossibilité d’échanger avec les professeurs du fait du nombre d’étudiants et de la retransmission instantanée d’un même cours dans plusieurs amphi en vidéo. Ajoutez à cela un concours hyper sélectif en fin d’année et ces ingrédients ont été le terreau de création de nombreuses prépas privées. Ces classes préparatoires proposent un accompagnement individualisé dans des cours pratiques à faibles effectifs augmentant ainsi la réussite de leurs participants. Le bémol étant les frais d’inscription de ces cours qui, de fait, en interdisaient l’accès à tous ceux n’ayant pas les moyens nécessaires et instaurant ainsi une inégalité sociale dans l’accès aux professions médicales et de santé.

Forts de ce constat, les étudiants ont décidé, par le biais de leurs associations, de répondre au besoin identifié et de rétablir une égalité entre les étudiants face au concours. C’est ainsi que sont nés les premiers tutorats associatifs par et pour les étudiants. Rapidement, ces tutorats se sont professionnalisés et deux statuts sont apparus :

  • les tutorats associatifs : gérés par l’association des étudiants de la filière ou une association dédiée ;

  • les tutorats facultaires : gérés par les administrations en lien avec les associations étudiantes.

Quel que soit le statut du tutorat, les tuteurs sont toujours des étudiants d’année supérieure. Et ce afin de faciliter les échanges, d’apporter un regard complémentaire à celui des professeurs et de l’administration, de faciliter l’engagement des jeunes et de créer du lien entre les différentes promotions d’un même établissement.

Bien plus qu’une répétition des cours, les tutorats permettent notamment de prolonger les réflexions amorcées en amphi, de s’exercer sur des cas pratiques, de passer des examens blancs et d’avoir un suivi personnalisé grâce au parrainage. Au-delà de leurs actions pédagogiques, les tutorats jouent un rôle social fort. En effet, là où les amphis ne permettent pas de créer du lien entre les étudiants, les petits effectifs des groupes sont un lieu de socialisation. Ils permettent également aux étudiants de rompre l’isolement dans lequel peuvent s’enfermer certains du fait d’un concours hyper concurrentiel entre étudiants et de les rassurer en pouvant se situer dans leur travail par rapport aux autres étudiants. Enfin, les associations proposent également un tutorat méthodologique et d’accompagnement dans le cadre duquel les tuteurs vont échanger avec les tutorés sur les méthodes de travail, le rythme à adopter, les trucs et astuces, la vie étudiante de manière plus globale, etc.

Si le tutorat est donc historiquement présent dans le cadre de la PACES, il s’est depuis largement ouvert à d’autres filières. En effet, la FAGE et ses fédérations offrent à leurs associations adhérentes un cadre d’échange et de mutualisation des bonnes pratiques qui a logiquement fait émerger le tutorat comme un projet d’innovation sociale à développer au sein de l’ensemble des études d’enseignement supérieur. Le projet du tutorat va alors s’adapter aux études dans lequel il va être mis en place. Ainsi, si en PACES le tutorat avait avant tout été mis en place pour rétablir une égalité face à des prépas privées, dans d’autres filières, le tutorat va pallier aux insuffisances pédagogiques des études et mettre en exergue le peu d’utilité (pour les étudiants comme pour les professeurs) du cours magistral en amphi et tenter d’amorcer une refonte pédagogique des études.

En effet, les tuteurs loin de reproduire à l’identique les cours magistraux se sont penchés sur les méthodes de pédagogie active qu’ils ont mis en place au sein des tutorats. Les tutorats peuvent ainsi servir d’aiguillon pour les équipes pédagogiques afin d’effectivement mettre en place le « Student centered learning » qui se matérialise notamment par des cours en pédagogie inversée : les étudiants ont un pré-read à lire avant le cours, de ce fait, pendant le cours un réel échange à lieu entre professeur et étudiants avec des questions – réponses, des cas pratiques, etc.

Dans une logique de démarche qualité, l’ANEMF (Association Nationale des Etudiants en Médecine de France) et l’ANEPF (Association Nationale des Etudiants en Pharmacie de France) évaluent chaque année les tutorats en santé de France. Cette évaluation porte sur une grille de 100 points et les tutorats reçoivent un agrément bronze, argent ou or en fonction du nombre et de la qualité des services proposés aux étudiants. L’objectif est d’inscrire les tutorats dans une démarche d’amélioration continue et de renforcer le service rendu aux étudiants. De plus, pour favoriser l’innovation, l’ANEMF et l’ANEPF organisent annuellement le WET (Week-End Tutorat) qui est l’occasion pour les bénévoles investis dans les tutorats de se rencontrer, de se former et d’échanger afin de diffuser les bonnes pratiques.

Enfin, les tutorats se sont posé la question de leur impact social. Ainsi, une étude de 2005 menée par « La revue du praticien » à l’Université de Paris Descartes a démontré que les prépas privées n’offraient pas un avantage aux étudiants par rapport au tutorat alors même que ces prépas pratiquent des tarifs exorbitants loin de la gratuité - ou de la faible participation aux frais - demandée par les tutorats. De plus, si les avantages pour les étudiants bénéficiant du tutorat sont évidents, les étudiants investis comme tuteurs bénéficient également d’un impact positif. En effet, une étude menée par le TAM (Tutorat Associatif Marseillais) a démontré qu’a niveau scolaire initial égal, les étudiants ayant été tuteurs réussissaient mieux que les étudiants ne s’étant pas investis dans le tutorat.

En définitive, le tutorat est donc un projet global qui a un impact fort et direct tant sur les étudiants tutorés que sur les tuteurs. De plus, le tutorat est un moyen de développer la pédagogie centrée sur l’étudiant au sein de l’enseignement supérieur et s’inscrit ainsi en complémentarité de l’action que peuvent mener les élus étudiants. Ce projet d’innovation sociale porté par les pairs est de plus un moyen de favoriser l’engagement des jeunes dans le cadre d’une mission d’intérêt général.

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