Entre accroissement des inégalités et facteur de santé publique : le logement au cœur des défis de société

08/02/2016

Le 28 janvier dernier, la Fondation Abbé Pierre a présenté au grand public son 21ème rapport sur le mal-logement. Cette journée a permis de mettre en lumière, une nouvelle fois, la réelle crise du logement qui sévit en France et de débattre à propos de différentes thématiques relatives au logement. La Fondation Abbé Pierre est un acteur incontournable du secteur associatif et militant en faveur du logement pour tous et toutes. La matinée a été consacrée à la présentation des chiffres clés sur les inégalités et le logement et à une table ronde sur la thématique du logement, question de santé publique. L’après-midi a, quant à elle, été consacrée à un débat sur la mixité sociale et le droit au logement.

Le logement, indicateur et source d’inégalités

Le directeur général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, a présenté les chiffres principaux du rapport sur l’état du mal-logement en France. Pour établir son rapport, la Fédération a utilisé les résultats de l’enquête Logement de l’INSEE de 2013. Les précédents rapports de la Fédération se basaient sur la précédente enquête Logement de l’INSEE qui date de 2006. C’est donc la première étude qui permet d’avoir un aperçu des conséquences de la crise de 2008 sur le logement en France. Le rapport montre qu’il y a actuellement 3,8 millions de personnes mal logées (personnes privées de logement personnel, vivant dans des conditions de logement très difficiles...) et 12,1 millions de personnes fragilisées par rapport au logement (précarité énergétique, surpeuplement, effort financier excessif…). Ces chiffres sont en constante augmentation et sont les indicateurs d’une situation extrêmement préoccupante. Pour la Fondation, la France est « malade » du logement. Il y a énormément d’enjeux que recouvre la thématique du logement. Celui-ci est à la fois un indicateur des inégalités (les personnes les plus modestes sont celles qui ont le plus de problèmes de logement, de loyers impayés…) et celui-ci est aussi une source d’inégalités en soi : la zone d’habitation conditionne par exemple l’accès à une école plus ou moins efficiente en termes de mobilité sociale, les logements de mauvaise qualité coûtent beaucoup très chers en chauffage…

Le logement, une question de santé publique

La table ronde de la matinée était consacrée au lien entre logement et santé. Le logement est en effet à la fois un facteur qui influe sur la santé, qu’elle soit mentale ou physique, tout comme la situation sanitaire est un facteur qui influe sur la situation de logement : maladies respiratoires, allergies, troubles du sommeil… A titre d’exemple : chaque année, environ 2 000 personnes meurent intoxiquées au monoxyde de carbone, émis par des poêles à charbon défectueux par exemple, dans la plus grande indifférence. On décrit aujourd’hui encore des cas de saturnisme infantile, intoxication au plomb des enfants au cours de la grossesse qui entraîne des conséquences graves, due à l’insalubrité du logement. D’autre part, les situations de mal-logement peuvent aussi participer au déclenchement de maladies psychiatriques, en raison du caractère hautement anxiogène qu’elles recouvrent (personne sans-domicile, logement insalubre…).

Ensuite, la situation sanitaire d’une personne peut avoir de réelles conséquences sur sa capacité à accéder à un logement et à s’y maintenir : les personnes avec des maladies psychiatriques / handicaps peuvent être victimes de discriminations lorsqu’elles souhaitent accéder à un logement par exemple, des problèmes de santé peuvent précipiter une personne dans une cascade dramatique la conduisant à la rue…

Entre mixité sociale et droit au logement, faut-il choisir ?

Créer de la mixité sociale, cela correspond à faire vivre côte à côte des personnes de toutes les catégories socio-professionnelles. La loi SRU, qui oblige les communes de plus de 3 500 habitants à proposer au minimum 20% de logements sociaux sur leur territoire, avait cet objectif et cherchait à éviter la ségrégation spatiale des habitants de certaines zones. Toutefois, la question se pose de l’importance de la mixité sociale face à l’urgence de loger dans des conditions décentes les 3,8 millions de personnes mal-logées. Cette question a été traitée au cours de la journée d’abord par Alain Juppé, Maire de Bordeaux et Eric Piolle, Maire de Grenoble puis par Anne Hidalgo, Maire de Paris et Jean-Christophe Lagarde, Maire de Drancy. Tous convergeaient à dire que mixité sociale et droit au logement ne s’excluaient pas mutuellement et que s’il était nécessaire de trouver des solutions rapides aux situations d’urgence de mal-logement et ainsi garantir que le droit au logement - inscrit dans la loi française - soit une réalité, la mixité sociale était un enjeu extrêmement important dans une société plurielle et dans laquelle il est aujourd’hui plus encore nécessaire de recréer du lien entre les citoyens et citoyennes.

Les jeunes, une population au cœur du mal-logement

Entre faibles ressources, exclusion de plusieurs dispositifs d’aides, alternance d’emplois précaires et de chômage…, les jeunes font partie des catégories les plus susceptibles d’être mal-logées. La jeunesse est une étape charnière de la vie et les destins résidentiels des jeunes influent sur leur champ des possibles : les étudiants qui peuvent décohabiter pourront avoir accès à plus de formations, l’accès à un emploi peut être conditionné par la capacité à obtenir un logement, etc.

D’autre part, le parc de logements disponible pour les jeunes est, en proportion, un des parcs au coût les plus élevés. Consacrant en moyenne la moitié de leur budget mensuel à leur loyer, les jeunes ont de réelles difficultés à se loger. Les logements manquent dans le parc social (résidences universitaires des CROUS pour les étudiants…) et les logements dans le secteur locatif sont en général extrêmement chers. Les obstacles sont nombreux sur la route des jeunes pour avoir accès à un logement : garant demandé, frais d’agence… Alors que la Garantie Universelle des Loyers promise par la loi ALUR a été définitivement enterrée, le dispositif VISALE (Visa pour l’Emploi et le Logement) a été mis en place pour les jeunes actifs qui entrent à peu près en même temps dans un logement et un emploi précaire. Celui-ci permet de sécuriser le versement des loyers au propriétaire. D’autre part, la Caution Locative Etudiante permet aux étudiants de déclarer l’Etat comme garant de leur logement. Ces deux dispositifs laissent un réel vide pour les jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation (NEETs), alors qu’ils sont potentiellement ceux qui en auraient le plus besoin.

Une prise de conscience nécessaire pour des solutions ambitieuses

La FAGE rappelle l’importance des politiques de logement, en tant que facteur déterminant de mobilité sociale et, entre autres, de démocratisation de l’enseignement supérieur. Attachée à l’idée que chacun doit pouvoir se loger dans des conditions décentes et à un coût abordable, la FAGE rappelle le Gouvernement à ses engagements envers les jeunes, dans le cadre de la Priorité Jeunesse, et attire son attention sur les enjeux que recouvre le logement. A la fois cause et conséquence de problèmes de santé et d’inégalités, il est aujourd’hui indispensable d’apporter de nouvelles réponses à la crise du logement, dont souffrent, entre autres, les jeunes : encadrement des loyers, cautionnement, construction dans le parc social…, les prochains mois seront déterminants et le Projet de Loi « Egalité Citoyenneté » devra apporter des réponses ambitieuses afin de combattre le mal-logement.

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