La FAGE plaide pour une université ouverte, moteur économique d’une société de la connaissance

26/04/17

La thèse portée par Robert Gary-Bobo dans l’AEF du 12 avril 2017, professeur à l’ENSAE, qui ambitionne de réformer les performances de notre ESR à l’heure où l’argent public se fait de plus en plus rare, mérite qu’on s’y intéresse d’un peu plus près. L’économiste commence par définir sa théorie comme « seule voie de réforme possible ». Voilà pour commencer un avis très (trop ?) arrêté !

Il indique ensuite vouloir améliorer les performances des universités en augmentant substantiellement les droits d’inscription avec un système de prêt à remboursement contingent au revenu (PARC) pour les étudiants. De quelles performances parle-t-on ? L’endettement des étudiants serait selon lui la seule issue possible et souhaitable pour rendre « performantes » nos universités ?

Une conception réduite et dangereuse de ce que doit être la responsabilité sociale et sociétales de nos établissements d’enseignement supérieur…     

Notre société vit de profondes mutations. La numérisation, l'automatisation et le développement exponentiel de l'intelligence artificielle vont conjointement et profondément modifier la structure de l’emploi. La formation tout au long de la vie est un des enjeux auxquels notre système d'enseignement supérieur doit répondre. Si l'organisation des formations en blocs de compétences peut se faire sans moyens supplémentaires, faire face à l’augmentation des effectifs étudiants, repenser les rythmes universitaires, adapter les modalités d'apprentissage et les espaces d'enseignement requièrent un investissement pour que l'université réponde à l'enjeu d'une réelle démocratisation. Dans une perspective de formation tout au long de la vie, l'endettement étudiant, même contingenté au revenu ne peut être une solution viable.

Pourquoi l’endettement ne peut pas être la solution ?

La philosophie de la réforme des « PARC », encensée par Robert Gary-Bobo, existe depuis de nombreuses années dans d’autres pays avec des formes variables, ou a été adoptée par d’autres, et les conséquences sont dramatiques. Aux Etats Unis, cette logique adoptée dans les années 80 par les universités américaines a entraîné une forte inflation des prix des établissements supérieurs, pensant que les prêts suffiraient aux étudiants pour s’en sortir. Trop lourds, ces prêts aux étudiants américains ont bridé la consommation et l'évolution sociale des jeunes actifs, et menacent fortement le niveau général des études à terme.

Les taux d’intérêt ont explosé et des millions d’américains se sont retrouvés au pied du mur … Si les USA avaient adopté scrupuleusement les préconisations de M. Gary-Bobo, c’est à dire avec des prêts garantis par la collectivité, ce serait l’Etat qui se serait rapidement endetté. En juin 2016 la dette étudiante américaine s’élevait à hauteur de 1 129 milliards de dollars. Le précédent président des USA, Barack Obama, n’avait pu rembourser ses prêts étudiants, pour sa part, qu’en 2004 … Peu de citoyens américains parviennent à rembourser leurs dettes d’étudiant, et au final c’est toute la société et son économie qui s’en trouvent affectées.

La Grande-Bretagne a emboîté le pas pour mettre en place une réforme des « PARC » en 1998. Aujourd’hui ils subissent des conséquences très similaires : augmentation drastique des frais d’inscriptions, explosion de l’endettement … La dette étudiante s’élève aujourd’hui à près de 100 milliards de livres en Grande-Bretagne. Trois étudiants britanniques sur quatre paieront leurs études après 50 ans, et les conséquences commencent à avoir un impact sur l’ensemble de la société.

Si la théorie des « PARC » était intéressante sur le papier, sa mise en application est une catastrophe sur le plan économique, social et bien sûr éducatif… Il est surprenant de constater que les spécialistes adeptes du « PARC » ne font que peu référence aux lourdes conséquences de sa mise en place. L’Allemagne d’Angela Merkel a eu la lucidité d’en tirer les conséquences et a rendu ses universités gratuites pour les étudiants. Si le modèle économique allemand est souvent vanté par ses mêmes économistes, pourquoi changer de ligne lorsque qu’il s’agit de l’enseignement supérieur ?

Quand on sait que nos Universités peuvent être un moteur pour l’économie, puisque chaque euro investi dans l’Enseignement supérieur et la recherche génère 4 euros de retombées économiques (d’après une étude de la LERU), pourquoi ne pas investir plus ?

Pour une société de la connaissance qui assume les investissements nécessaires à notre système d’enseignement supérieur et de recherche, la FAGE apporte sa contribution :

Une année à l'université, c'est en moyenne plus de 12 000 € par étudiant payé par l’Etat. Mais cette somme, c’est un investissement collectif ! Le vrai problème c'est que là où nous voyons un investissement, la société voit un coût. Il est nécessaire que la contribution au financement de l'enseignement supérieur fasse sens pour chacun, pour toutes les composantes de la société, tant pour les individus que pour le monde socio-économique. L’université doit répondre aux exigences démocratiques d’une émancipation intellectuelle, d’élévation du niveau de qualification et de mobilité sociale, et de répondre aux enjeux économiques de demain. Force est de constater qu’elle est souvent critiquée comme étant déconnectée des aspirations de la société et des besoins en qualification exprimés par le milieu socio-économique.

C'est pourquoi nous appelons à ce que soit scellé un Pacte pour l'Éducation.

Un débat national doit permettre à toutes les composantes de la société d’exprimer leurs attentes vis-à-vis du système d’éducation et d’enseignement supérieur. Ce Pacte doit se sceller par des engagements, tant organisationnels que financiers. Il permettra ainsi de redonner du sens à la contribution de chacun au financement de l’enseignement supérieur et d’exercer la solidarité nationale en refondant les dispositifs de financement. Ceux-ci seront appuyés par une contribution paritaire permettant tant aux individus qu’aux entreprises de prendre part au financement. Organiser le financement de cette façon permet à ceux qui disposent de davantage de moyens de contribuer davantage au financement de l'enseignement supérieur, et le système serait de fait davantage redistributif.

En outre, la refonte du système éducatif permettrait une mobilisation importante des fonds de la formation professionnelle dans le financement du système éducatif. Elle met ainsi un terme à l’aberration du financement public de formations privées qui ne relèvent pas d’un intérêt général.

A l’échelle européenne, la multiplicité des dispositifs peut être refondue pour lancer un plan européen d’investissement dans l’Enseignement Supérieur contribuant à l’émergence d’un Espace européen de l’enseignement supérieur, et d’une Europe sociale.

Par ce moyen, nous apportons une réelle alternative et rappelons qu’un financement peut être à la hauteur des enjeux, sans s’appuyer ni sur une augmentation des frais d’inscription, ni sur l’endettement des jeunes, dans un contexte d’incertitude en matière d’emploi.

Comme le précise justement M. Gary-Bobo, l’université redistribue son coût aujourd’hui de manière « régressive », défavorisant ceux qui n’ont pas les moyens de se payer des études supérieures. Plutôt que de plomber l’économie du pays avec des prêts à revenu sur contingent, en endettant tous les étudiants et en renforçant de facto les inégalités sociales, il convient d’entamer une réforme globale de l’organisation de notre système éducatif pour permettre sa démocratisation effective, et ce bien avant l’Université, et mettre un terme aux inégalités du système actuel.

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