Note de la FAGE - Impact de la crise du covid-19 sur les étudiant.e.s

14/04/2020

La crise du covid-19 qui impacte la France et le reste du monde depuis plusieurs mois maintenant entraîne des répercussions importantes sur la vie de toute la population. Le public étudiant n’est pas épargné, au contraire.

Les problématiques sont nombreuses : isolement, mal-être, précarité grandissante, fracture numérique, inégalités des conditions de vie dans une période de confinement… L’ensemble de ces problématiques renforcent et aggravent les inégalités, déjà très existantes mais viennent également créer des situations dramatiques.  

Le public étudiant est de base un public plus fragile sur de nombreux aspects : rapport aux soins, santé mentale, addiction, précarité importante … Ainsi, cette crise sanitaire que nous traversons est rapidement devenue une crise sociale importante pour cette partie de la population. 

I. Les conséquences immédiates du confinement

a. Précarité

La précarité étudiante est une réalité en France depuis de très nombreuses années. La démocratisation de l’enseignement supérieur, l’augmentation du coût de la vie et la non-augmentation, voire la diminution, des aides sociales ces dernières années sont des facteurs qui sont venus la renforcer. Pour rappel, 38% de la population étudiante est boursière (source MESRI) et 20% des étudiant vivent sous le seuil de pauvreté en France (enquête "Revenu, niveau de vie et pauvreté en 2016" de l’INSEE publiée en 2018).  

Plusieurs facteurs viennent aujourd’hui aggraver la situation dans ce temps de crise : 

Le premier est le coût de l’alimentation. En effet, depuis la fermeture des universités le 16 mars dernier, les restaurants universitaires et/ou cafétérias assurant une restauration à tarification sociale pour l’ensemble des étudiants universitaires ont fermé leur porte. Ainsi, de nombreux étudiants qui bénéficiaient du « Ticket RU » à 3,30 euros pour s’alimenter se voient aujourd’hui contraints de s’acheter leurs aliments en grande surface. Souvent bien plus chers, les repas sont donc moins équilibrés et parfois moins nombreux. De plus, certains étudiants vivant en résidence CROUS voient parfois la porte de la cuisine collective fermée pour faute d’entretien par les services du CROUS.  

Les associations d’aides alimentaires sur-sollicitées dans la période 

Lorsqu’elles ont réussi à maintenir leur activité, les associations d’aides alimentaires voient les demandes augmenter de manière considérable.  

Le réseau des AGORAé, épiceries sociales et solidaires de la FAGE, présent sur une bonne partie du territoire a vu les demandes d’accompagnement exploser ces derniers jours. Plusieurs milliers d’étudiants reçoivent donc des colis gratuits pour une semaine dans de nombreuses villes universitaires.  

La situation est encore plus compliquée pour les étudiants lorsque les associations n’ont pas pu continuer leur activité faute de moyens financiers et techniques pour garantir la sécurité de toutes et tous.  

Le second facteur venant renforcer cette précarité est la perte d’une activité rémunérée. En France, c’est un étudiant sur deux qui a une activité rémunérée au court de ses études (enquête de l’OVE, « Conditions de vie des étudiant.e.s » de 2016). La crise du Covid-19 vient donc fortement impacter l’activité de nombreux étudiants.  

Les étudiants stagiaires : 

Pour les étudiants qui étaient en stage avant le début du confinement, la convention devait être maintenue par l’établissement mais elle pouvait être rompue par l’employeur si jamais le télé-travail était impossible. Pour les étudiants qui devaient commencer un stage après le début du confinement, les établissements ont alors effectué des avenants pour décaler le stage dans le temps, ou ce dernier a tout simplement été annulé. De ce fait, l’étudiant perd sa gratification (environ 580 euros minimum pour un stage de 35 heures/semaine, mais plus élevée parfois selon l’entreprise et le secteur d’activité).  

Les étudiants ayant une activité rémunérée en parallèle de leurs études :

De nombreux étudiants ont vu leur activité impactée par le confinement. Les conséquences économiques sont lourdes. Des exemples de profils :  

Des étudiants avec des « petits jobs » comme du babysitting, de l’aide aux devoirs etc. Ces activités ont donc cessé pour beaucoup, du fait du confinement et de la diminution forte des besoins.  

Les étudiants qui avaient prévu de travailler sur la période de vacances d’avril n’ont pas pu le faire. 

Les étudiants ayant un contrat de travail dans des commerces non essentiels sont au chômage partiel et subissent pour beaucoup une perte de revenu.  

Les étudiants vacataires (par exemple, dans une bibliothèque universitaire) ont vu leur revenu baisser voire disparaître totalement. Une attention particulière est à porter sur les doctorants qui enseignent en tant que vacataires dans des établissements : même si la consigne a été donnée de rémunérer les vacataires de la même façon qu’un mois normal, ce n’est pas toujours appliqué ou bien la rémunération peut diminuer.  

Les étudiants exerçant une activité indépendante type chauffeur de VTC ont vu leur activité amputée et donc leur revenu baisser.  

La perte de revenu vient donc fragiliser voire mettre dans une situation très compliquée l’étudiant. En effet, les revenus servent souvent à payer le loyer de son logement ou bien à se nourrir. Les familles des étudiants ne peuvent pour certaines plus leur venir en aide car elles rencontrent également des difficultés nouvelles.  

Les réponses du gouvernement face à cette situation sont aujourd’hui insuffisantes pour venir accompagner correctement ces étudiants. Il est nécessaire de créer une aide cadrée nationalement pour celles et ceux ayant perdu une activité, d’aider au paiement des loyers de manière plus conséquente voire de les suspendre dans le parc social, de faciliter fortement l’accès aux aides d’urgences des CROUS… Retrouvez les demandes de la FAGE ici.

Les étudiants restés en résidences sont plus fragilisés par la situation 

En France, c’est environ 70% de l’ensemble des étudiants qui ont quitté le domicile familial pour aller étudier (enquêtes de l’OVE sur le logement étudiant, octobre 2017). A l’annonce du confinement, des étudiants n’ont pas quitté leur logement, beaucoup car ils ne le pouvaient pas. Si les chiffres sont encore compliqués à trouver pour les étudiants résidants dans le parc privé ou social hors CROUS, les étudiants restés dans leur chambre universitaire en résidence CROUS sont de l’ordre de 40% selon le ministère de l’enseignement supérieur.  

Zoom sur les étudiants internationaux 

Ces étudiants, déjà plus précaires de base (60% des bénéficiaires de nos AGORAé sont des étudiants internationaux par exemple) sont extrêmement touchés par cette situation. Nombre d’entre eux résident dans une chambre universitaire et subissent la fermeture des Restaurants Universitaires ou bien la perte d’une activité rémunérée. Ils sont souvent restés dans leur résidence étudiante par manque de moyens financiers pour rentrer auprès de leur famille.  

b. Échec et décrochage

La fermeture des universités au lendemain du 13 mars dernier vient profondément mettre à mal la poursuite des enseignements. En effet, nos établissements n’étaient pas prêts à mettre en place, encore moins à généraliser, l’enseignement à distance.  

Malheureusement, de nombreux étudiants ne peuvent pas suivre les enseignements à distance. Les raisons sont multiples :  

•Pas d’équipement informatique personnel

•Pas de forfait internet (mobile ou autre)

•Augmentation des horaires de travail pour les étudiants travaillant dans des secteurs de première nécessité

•Pas d’espaces propices au travail : logement insalubre, garde des frères et sœurs, famille nombreuse, etc.

Au-delà des enseignements, le second semestre doit se ponctuer par les examens terminaux qui viendront sanctionner ou non la réussite de l’étudiant.  

En lien avec les problématiques évoquées ci-dessus, le passage d’examens pour de nombreux étudiants va être plus compliqué voire impossible si des modalités exceptionnelles ne sont pas mises en place dans l’ensemble des établissements et donc avec un cadrage national.  

(Voir note de la FAGE).  

Ainsi, nous pouvons craindre que le taux de décrochage et d’échec au cours de cette année universitaire augmente de manière importante. 

Zoom sur les étudiants en situation de handicap 

De nombreux étudiants en situation de handicap n’auront pas la capacité de suivre les enseignements à distance ou bien de réaliser les examens s’ils ne sont pas adaptés en fonction de leurs besoins. Une attention supplémentaire doit donc leur être portée. 

c. Santé

Le public étudiant est déjà un public particulier face à l’accès et au recours aux soins. En effet, un étudiant sur trois avoue avoir déjà renoncé à des soins faute de moyens financiers ou parce que « ça va passer » (enquête de l’OVE sur la santé des étudiants parue en 2018).  

Même si le réseau de la médecine universitaire a été mobilisé par le ministère pour effectuer le suivi gratuit des étudiants dans le besoin, nous pouvons craindre que beaucoup d’entre eux ne sachent pas vers qui se tourner en cas de nécessité.

La période de confinement peut également venir impacter fortement le bien-être et la santé mentale des étudiants. De nombreuses études ont déjà démontré une fragilité importante de ce public, comme le montre les extraits de l’enquête de l’OVE sur la santé des étudiants :  

 « Ils sont également près de 37 % à présenter une période d’au moins deux semaines consécutives pendant laquelle ils se sont sentis tristes, déprimés, sans espoir, au cours des 12 derniers mois (ce dernier signe constituant le premier critère d’évaluation de l’épisode dépressif caractérisé ou majeur). Ces symptômes sont présents chaque jour ou presque et toute la journée ou pratiquement pour 22 % des étudiants contre 11 % en population générale (INPES 2005). Enfin 15 % des étudiants présentent les différents critères cliniques d’un épisode dépressif caractérisé » 

Ainsi, la période de confinement peut venir renforcer ces différents symptômes ou bien même les déclencher. En effet, l’isolement social pour les étudiants restés dans leur chambre universitaire, le retour au domicile familial, le décès d’un proche, la précarité ou encore la pression de la réussite dans ces conditions inédites sont des facteurs aggravants.  

De plus, il ne faut pas exclure le risque de suicide chez ce public fragile dans cette période très difficile. Les études le montrent encore, les étudiants sont plus touchés par les pensées suicidaires que le reste de la population :  

« Les étudiants sont un peu plus de 8 % à déclarer avoir pensé à se suicider au cours des 12 mois précédant l’enquête, contre un peu plus de 3 % des 15-30 ans en population générale (INPES 2013) »   

 Zoom étudiants en santé 

Depuis le début de la crise, les étudiants en santé (médecine, soins infirmiers, pharmacie, odontologie, maïeutique, kinésithérapie etc.) sont mobilisés dans les hôpitaux et les structures de soins afin de lutter aux côtés des professionnels de santé contre le virus. Dans le cadre de la crise, nombreux sont ceux qui sont alors « jetés dans le grand bain » bien plus vite que prévus. De plus, la situation dans certains hôpitaux est catastrophique, le nombre de décès est très élevé et la prise en charge complète de l’ensemble des patients devient très compliquée voire impossible. N’oublions pas non plus la situation des EPHAD. Nous pouvons alors craindre de voir apparaître des détresses psychologiques importantes chez ces étudiants déjà très touchés par le mal-être de manière globale.  

Dans tous les cas, il est urgent de renforcer fortement l’accès à une prise en charge psychologique gratuite pour l’ensemble des étudiants dans le besoin et d’établir un suivi particulier pour les plus fragiles. Cela peut notamment se faire via la médecine universitaire. Attention, il faudra que cela soit bel et bien accessible à l’ensemble des étudiants dans le besoin, y compris les étudiants non universitaires. 

II. Les conséquences en sortie de confinement

a. Précarité

Lorsque le confinement sera progressivement levé, l’accompagnement des étudiants fragilisés par la crise ne devra pas s’arrêter brutalement, au contraire. 

En effet, les étudiants ayant perdu une activité rémunérée ne la récupèreront pas immédiatement par exemple, alors que les charges pour les étudiants seront toujours bien présentes. Il serait donc inimaginable d’arrêter brutalement l’aide d’urgence attribuée par l’établissement d’enseignement supérieur ou le CROUS. Actuellement, aucune garantie n’est donnée en ce sens.  

Une deuxième source d’inquiétude existe pour les étudiants : les emplois saisonniers. Selon une enquête de l’OVE (enquête sur les conditions de vie étudiante de 2016), c’est 50% de l’ensemble des étudiants qui ont un emploi durant les vacances d’été. Nous pouvons craindre que la situation sanitaire ou encore économique du pays ne permette pas à l’ensemble des étudiants dans le besoin de trouver une activité rémunérée cet été. Il est donc urgent de prévoir un accompagnement social nécessaire pour ces jeunes, les emplois saisonniers permettant en grande partie de financer l’année en étude suivante.  

Ensuite, dans le cadre de stages reportés ou de concours déplacés, des étudiants vont voir leur période estivale raccourcie. Au-delà du besoin de vacances qu’il ne faut pas oublier, si les étudiants sont amenés à avoir une activité obligatoire en lien avec leur enseignement en juillet ou en août, il sera nécessaire de prolonger les bourses étudiantes et d’accompagner financièrement celles et ceux qui avaient prévu de travailler.  

b. Réussite et insertion professionnelle

Le confinement va avoir un impact sur la réussite des étudiants sur le long terme. En effet, il risque de provoquer plus de décrochage ou d’échec des jeunes. Il va donc falloir établir des mécanismes d’accompagnement personnalisés renforcés à la réouverture des établissements et à la reprise des enseignements si nous ne voulons pas perdre encore plus de personnes.  

De plus, le risque d’avoir plus de décrochage entraîne de fait le risque d’avoir plus de jeunes sans qualification (post-bac). Nous le savons, cela joue énormément sur le chômage. Il faudra donc renforcer encore plus l’accompagnement social des jeunes afin de leur permettre de retrouver une formation ou un emploi. Pour cela, les moyens autour du dispositif « Garantie Jeune » par exemple devront êtres renforcés.  

Au-delà, la crise entraîne une situation économique complexe pour de nombreuses moyennes et petites entreprises. Le risque de voir le nombre de postes proposés sur le marché de l’emploi diminuer est fort. De manière générale, le taux de chômage des jeunes actifs s'est établi à 22,6% à la fin du premier semestre 2017, selon les récents chiffres du ministère du Travail. En 2019, selon une étude de l’INSEE, il aurait augmenté de 2,1 points : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4136766. Ainsi, nous pouvons craindre une nouvelle augmentation du chômage chez les jeunes. La réforme de l’assurance chômage qui devait rentrer en vigueur en avril a été repoussée, mais il est nécessaire de l’abroger afin de ne pas précariser d’avantage la population. De plus, les mécanismes d’accompagnement vers l’emploi devront êtres renforcés.  

c. Santé

Nous avons pu le voir plus haut, le public étudiant est un public à risque en termes de santé mentale. Le confinement et ses résultantes vont venir aggraver le mal-être de certains, le créer pour d’autres. Cette situation ne va pas s’améliorer au lendemain du confinement. L’accompagnement et le suivi psychologiques des jeunes dans le besoin est primordial. Les étudiants en santé mobilisés pendant la crise devront également bénéficier d’une attention particulière.  

De plus, le risque de voir les comportements à risques augmenter (notamment consommation d’alcool, conduite en état d’ivresse …) à la suite du confinement n’est pas à mettre de côté.  

Au-delà du simple comportement à risque, la question des addictions est essentielle. De récentes études montrent que les addictions chez les jeunes augmentent, notamment la consommation d’alcool ou bien les addictions sans produit (voir l’enquête de la MILDECA). Le confinement peut entraîner une nouvelle augmentation de ces addictions. Les campagnes de suivi et de prévention devront être renforcées.

Sources : 

Enquête de l’OVE, « conditions de vie des étudiant.e.s » de 2016 

Enquête de l’OVE sur la santé des étudiants parue en 2018  

Enquête de l’INSEE sur le chômage au premier trimestre 2019  

Dossier « Jeunes, addictions et prévention » de la MILDECA 

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