Pour sécuriser les parcours de formation des jeunes et instaurer un réel droit universel à la formation, une troisième réforme est nécessaire, celle des bourses !

16/03/16

Alors que l’actualité bat son plein autour du Projet de loi sur le travail et de la volonté affichée du Gouvernement d’instaurer un droit universel à la formation dont les dispositions concrètes concernent les jeunes NEETs (ni en emploi, ni en formation, ni en stage) et les jeunes employés sous-qualifiés, il est aussi impératif de réformer pour septembre notre système de bourses sur critères sociaux de l’enseignement supérieur.

Un système inégalitaire et inadapté

Le cas particulier des étudiant.e.s en formations sanitaires et sociales

Le système de bourses et d’aides au logement tel qu’il est construit est aujourd’hui inégalitaire à plusieurs égards.

Premièrement, les étudiants en formations sanitaires et sociales (infirmier.e.s, kinésithérapeuthes…) ne bénéficient pas à l’heure actuelle des mêmes bourses que les autres étudiants. Alors que les autres étudiants peuvent être éligibles à la bourse sur critères sociaux de l’enseignement supérieur dont la gestion est réalisée par les CROUS (opérateurs publics de la vie étudiante), ces étudiants peuvent être éligibles à une bourse sur critères sociaux attribuée par la région. Depuis l’acte 2 de la décentralisation lancé en 2003, la gestion des formations sanitaires et sociales, dont le Ministère de tutelle est le Ministère de la Santé, a en effet été décentralisée aux régions. En 2004, les bourses des régions étaient calquées sur celles des CROUS. Malheureusement, le mouvement n’a pas suivi d’une manière égale selon les régions et a engrangé de plus en plus de décalage vis-à-vis des bourses du CROUS. Alors qu’en 2013 le Gouvernement a créé deux échelons supplémentaires de bourses et que les montants en sont réévalués en fonction de l’inflation, certaines régions attribuent encore des bourses proches de celles de 2005, sans aucune revalorisation. D’autre part, les critères d’attribution des bourses régionales sont, dans certaines régions, bien plus restrictifs que ceux des CROUS. Apparaissent alors une série d’inégalités flagrantes : inégalités de filière entre les étudiants en formations sanitaires et sociales et les autres et inégalités territoriales entre régions à la politique d’aide sociale volontariste et régions réfractaires, à la fois au niveau des montants des bourses mais aussi des modalités d’accès à celles-ci (démarches administratives spécifiques pour les bourses régionales, versement trimestriel dans certains cas…).

Afin de supprimer ces inégalités et garantir à tous les étudiants du supérieur, quels que soient leur filière et leur territoire et dans un réel souci de justice sociale, la FAGE revendique depuis longtemps que les étudiants en formations sanitaires et sociales bénéficient désormais d’une bourse sur critères sociaux du CROUS.

L’effet pallier des bourses du CROUS, leur insuffisance et les APL

Bien que les bourses sur critères sociaux gérées par les CROUS soient plus avantageuses pour les étudiants que les bourses régionales, celles-ci charrient aussi leur lot d’imperfections. On peut citer en premier lieu l’effet palier induit par le système de calcul des échelons de bourse. Le calcul du montant de la bourse tient compte, entre autres, des ressources du foyer de l’étudiant, du nombre d’enfants à charge de ses parents, de sa distance domicile-lieu d’études auxquels correspondent, dans un intervalle, un certain nombre de points de charge. Ainsi, une différence d’un euro ou d’un kilomètre près peut correspondre à deux échelons voisins, dont la différence de montant a de réelles conséquences sur les étudiants. Il suffit, par exemple, d’une infime augmentation des ressources entre deux années pour qu’un étudiant voit sa bourse ramenée à un échelon inférieur, dans une mesure tout à fait disproportionnée : une augmentation de quelques euros de revenus sur l’année (même moins de 10€) peut faire perdre 60 € mensuels à un étudiant. Il y a donc une réelle inégalité derrière ce mode de calcul puisque deux étudiants, aux ressources très proches, risquent de bénéficier d’une bourse différente.

En plus d’être mal configurées, conduisant à des situations injustes, les bourses des CROUS sont aujourd’hui insuffisantes en termes de nombre d’étudiants bénéficiaires et de montant des premiers échelons. Alors que 38% des étudiants boursiers se salarient et parmi eux, 16% dans des conditions qui concurrencent leur cursus pour subvenir à leurs besoins, ce sont 45% des étudiants non boursiers qui se salarient, avec 20% d’entre eux dans une activité concurrente de leurs études 1. On voit donc aisément que les étudiants non boursiers ont plus besoin de salarier pour subvenir à leurs besoins que les étudiants boursiers. Parmi les boursiers, on retrouve la même tendance entre boursiers des premiers échelons et boursiers des échelons maximum.

Second volet des aides directes à destination des étudiants, les aides personnalisées au logement (APL), doivent aussi être réformées. Alors que le logement représente en moyenne 46% du budget mensuel d'un étudiant décohabitant et que l'accès à un logement autonome est un facteur essentiel d'amélioration des conditions de vie étudiante, les modalités de calcul des APL sont extrêmement opaques et complexes, prenant en compte énormément de critères et étant susceptibles, comme les bourses sur critères sociaux, de varier de manière importante pour une évolution minime de situation. D’autre part, le montant des APL est proportionnel à la surface du logement. Ainsi, un étudiant plus aisé qui peut louer un appartement plus grand qu’un autre se verra aidé de manière plus importante, injustice des plus évidentes s’il en est. Les APL représentent ainsi un réel levier d’accès au logement autonome dont il est absolument nécessaire de repenser les modalités de calcul et d’attribution.

Un levier efficace de mobilité sociale et un enjeu de société

Démocratiser l’accès et la réussite au sein de l’enseignement supérieur et la recherche permet la mobilité sociale, c’est-à-dire la possibilité pour chacun de s’extraire de sa catégorie socio-professionnelle d’origine vers celle qu’il souhaite. L’Université devrait le permettre aujourd’hui, alors que l’on constate que l’enseignement supérieur génère maintenant plus de reproduction sociale qu’il y a 30 ans. Pourtant, cette mobilité sociale est un réel enjeu de société : permettre à chacun d’accéder à la qualification de son choix, permettre à chacun de s’extraire de sa condition sociale et à ouvrir son champ de possible, telle est la condition sine qua none à un contrat social qui fonctionne, à une réelle justice sociale. Ainsi, pour permettre la démocratisation de l’enseignement supérieur, il faut lever des obstacles à la fois socio-culturels (autocensure de certains jeunes, “sélection culturelle” etc), territoriaux et des obstacles économiques. Le coût des études, bien que l’inscription à l’Université, tant qu’elle est maintenue à son niveau actuel, est relativement peu coûteuse, représente une somme conséquente en valeur absolue pour les étudiants et tous les frais annexes font de la période d’études une période très onéreuse pour les étudiants (logement, matériel pédagogique, transports…). Il est donc absolument nécessaire de réformer le système de bourses sur critères sociaux pour apporter une réponse financière adaptée et affinée en fonction de leurs besoins.

Une réforme toujours nécessaire et une solution : l’Aide Globale d’Indépendance

Pour apporter des solutions aux problèmes pré-cités, la FAGE propose depuis deux ans une réforme ambitieuse du système d’aide sociale directe à destination des étudiants avec la mise en place de l’Aide Globale d’Indépendance. Cette aide serait composée de deux volets : le premier correspondant au volet bourse, le second au volet aide au logement.

La partie bourse serait calculée en fonction de la situation (éloignement du lieu d’études, nombre d’enfants à charge, ...) et des revenus déclarés du foyer fiscal auquel l’étudiant est rattaché (familial ou indépendant). Ainsi, un étudiant en situation d’indépendance, ou souhaitant l’être, n’aura qu’à remplir une déclaration fiscale indépendante pour que l’aide soit calculée sur son revenu déclaré propre, puis attribuée sur 12 mois. Celle-ci a vocation à être une aide progressive, permettant de répondre au mieux aux besoins de l’étudiant. Celle-ci doit ainsi être calculée de manière linéaire, et son montant doit être réévalué annuellement en fonction du coût de la vie.

Le volet logement serait réservé aux étudiants décohabitants, indépendamment des ressources de l'étudiant donc sans lien avec de la première partie de l'aide. Le loyer étant principalement dépendant du bassin de vie de l'étudiant, le calcul de l'aide sera désormais indexé sur le montant du loyer moyen propre au bassin de vie de l'étudiant. L'aide au logement sera calculée sur la base du loyer moyen pour un logement de 20m², permettant à tous les étudiants vivant dans le même bassin de vie de bénéficier du même montant d'aide au logement.

L’intéressant de cette proposition réside dans sa capacité à être financée : la partie bourse de l'aide sera en partie financée par les fonds actuels destinés aux bourses sur critères sociaux et par la réattribution d’une demi-part fiscale par foyer, qui permettra d'augmenter les crédits disponibles pour les bourses de 50%, permettant de faire bénéficier beaucoup plus d’étudiants d’une bourse, compensant ainsi la suppression de l’exonération de la demi-part fiscale en la répartissant de manière plus juste, alors qu’elle est actuellement plus favorable aux ménages les plus aisés. La seconde partie de l'aide sera financée en majeure partie par les crédits actuellement consacrés aux APL versés par la CAF aux étudiants, nécessitant un investissement supplémentaire de l’Etat.

La FAGE interpelle le Gouvernement sur la nécessité de terminer cette année la réforme du système de bourses sur critères sociaux et des APL pour mettre enfin en place l’Aide Globale d’Indépendance. Cette réponse adaptée et juste au besoin d’accompagnement financier des étudiants qui améliorera la démocratisation de l’enseignement supérieur, enjeu de société à l’heure où les inégalités inter et intra-générationnelles se creusent.

Sources

1 Enquête “Conditions de Vie 2013” - Observatoire de la Vie Etudiante

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