Le blog du Président de la FAGE

Régulièrement, la présidente ou le président de la FAGE publie une tribune sur des sujets liés à l'enseignement supérieur et la recherche, à la jeunesse ou à la société.

Vous pouvez également y retrouver des articles de ses prédécesseurs Paul Mayaux, président de 2020 à 2022, Orlane François, présidente de 2018 à 2020, Jimmy Losfeld, président de 2016 à 2018 ainsi qu'Alexandre Leroy, président de 2014 à 2016.

novembre 2015

Battons les clans : la bienveillance n’est pas une faiblesse !

L’horreur a maintenant fait place à la douleur. Le choc à la stupeur. La surprise à l’interrogation.

Vendredi, Paris et la jeunesse furent la cible de la haine, dans son expression la plus froide et la plus rude.

Vendredi, c’est au son des rafales et des explosions que des barbares ont voulu faire taire la jeunesse, cette jeunesse qui pense, qui célèbre, qui aime. C’est au nom de la haine de l’Homme que des lieux symboles d’émancipation -stade, cafés, salle de spectacle- ont été pris pour cible.

Ce n’est pas une caserne, un dépôt de munition ou un bâtiment militaire qui furent la cible de cette attaque, minutieusement préparée et fruit d’une stratégie lisible. Non, ce fût la jeunesse. Pas n’importe laquelle, une des jeunesses les plus tolérante au monde. Une de celles qui se bat au quotidien pour construire une société d’égalité, de fraternité et de solidarité. Une jeunesse pour qui les différences ne sont pas des facteurs d’exclusion, mais plutôt autant de richesses à apporter à une communauté plurielle mais unie par la volonté de faire société.

Aussi est-il crucial de l’affirmer : les responsables de cette barbarie craignent moins nos bombes et nos balles que notre bienveillance, notre fraternité inconditionnelle et notre volonté de faire société. Ils craignent notre jeunesse d’une peur viscérale car ils ont compris qu’elle était le symbole et l’incarnation de leur fourvoiement, de leur erreur et de leur perte.

Dès lors ce constat doit nous interroger, tant sur le combat qui doit être mené que sur ses modalités. Nous devons nous poser la question, très simple, de l’objectif de ces actes haineux et barbares. En parcourant nos réflexions, nous devons prendre garde à ne jamais penser que nous sommes confrontés à un ennemi désorganisé ou impulsif. Au contraire, ceux qui nous ont frappé au cœur vendredi sont méthodiques, organisés et poursuivaient alors un objectif clair : pousser la société française à se constituer en clans, à s’opposer des différences et à s’imposer de la méfiance. Quel meilleur terreau à la haine aveugle, crasse et froide qu’une société de la méfiance, de l’affrontement et de la dénonciation permanente ? Ne tombons pas dans le piège qui nous est tendu, car nous ne nous en relèverions pas ! C’est à travers sa jeunesse que le terrorisme entend attaquer la France, c’est grâce à elle que la France vaincra le terrorisme. Il est des générations qui se voient chargées, par l’Histoire, de porter l’étendard d’un combat supérieur. Le nôtre doit être celui de la construction, pierre par pierre, d’une société de l’égalité, de la liberté et de la bienveillance. Il doit avoir pour arme la fraternité, la détermination et le refus de la résignation.

Et pourtant, en une poignée d’heures hélas, les réactions de replis et de haine se sont multipliées : mosquées taguées, concitoyens agressés, fraternité écorchée... Les clans se forment, nous en percevons les contours et le dessein. Déjà, les vautours planent autour du deuil collectif, dessinant dans un ciel sombre les courbes dangereuses de discours populistes et haineux que nous connaissons bien. La responsabilité qui est la nôtre, jeunes, étudiants, militants est de démasquer systématiquement les appels à la haine et à la division, souvent travestis sous les atours d’un patriotisme qui n’en est pas un. Notre responsabilité est de refuser que la haine succède à la douleur, et que l’espoir soit enterré par la peur. Nous devons être les promoteurs permanents de la bienveillance, les défenseurs acharnés de la fraternité. Il nous faudra du courage pour résister aux sirènes de la peur, du courage pour dépasser nos craintes et aller de l’avant. Car si notre volonté de faire société fléchit, si le courage d’aller vers l’autre disparait, alors vraiment les barbares pourront l’affirmer : ils nous auront tués. Ils auront tué ce qui nous rend libres et rayonnants ; ils auront transformé un bloc solidaire, en des clans vengeurs. Alors n’ayons pas peur de le clamer, la bienveillance, loin d’être une faiblesse, est notre arme la plus puissante.

Cette résistance que nous devons opposer aux attaques à notre unité doit aussi se prémunir de l’habit sécuritaire que certains aimeraient lui faire endosser. Nous ne devons pas oublier qu’au premier rang des valeurs que nous défendons, se trouve la liberté. Individuelle ou collective, c’est notre liberté qui est aujourd’hui placée au centre de la bataille, et nous serions bien mal avisés de penser que sa protection est compatible avec sa contraction. Si la lutte contre le terrorisme, ennemi nouveau, mouvant, protéiforme, nécessite certainement et sans conteste d’adapter les moyens de surveillance et de riposte, nous devons pourtant nous assurer d’être les gardes fous d’un glissement sécuritaire. Car si par mégarde nous nous retrouvions aveuglés par la peur et le désir de protection au point d’accepter de nous délester de quelque liberté qu’il soit, que nous resterait-il à protéger, et à défendre ?

La guerre qu’on nous annonce, nous ne la gagnerons pas par les armes, nous ne souhaitons d’ailleurs pas voir notre société sombrer dans l’escalade guerrière. Nous la gagnerons en en supprimant les racines profondes au sein même de notre société : l’inégalité, le repli sur soi, la précarité. C’est surement ici que se situe notre plus grand défi, et notre responsabilité première, dans la promotion d’un pacte social réaffirmé et qui ne laisse personne sur le bord du chemin.

Nous sommes conscients qu’il incombe à la jeunesse d'agir pour qu'aucune haine ne soit rajoutée à la haine, d'agir pour que nos pairs ne se détournent pas de ce combat pour un autre, illégitime, attirés par les sirènes extrêmes de la division. Battre les clans suppose que chacun agisse pour la démocratisation de l'accès au savoir et l’égal accès aux droits, dont le droit fondamental de se former et d’étudier dans des conditions dignes.

Si leurs cœurs étaient remplis de chagrin et de tristesse, lundi matin, comme tous les matins, les militants de la FAGE ont poursuivi leur travail pour l'éducation et la solidarité, contre l'obscurantisme et la haine. Ce travail militant est crucial et salvateur, car nous sommes persuadés que c’est aussi en multipliant, à chaque échelle, les projets porteurs de sens et créateur de lien social que nous créons de la bienveillance au quotidien. Il nous faut ainsi poursuivre à faciliter la réussite de tous, grâce aux tutorats bénévoles et à l’accompagnement des lycéens dans leur orientation. Il faut continuer à sortir nos pairs les plus précaires de la difficulté grâces à nos épiceries sociales et solidaires, à rompre l’isolement grâce à nos initiatives d’animation des campus, des lieux de vie, des résidences. Car véritablement, la somme de chacune de ces actions militantes représente un levier puissant à la démocratisation pour tous de l’accès au savoir, à l’intégration sociale et à l’épanouissement des jeunes.

Nous devons être convaincus que c’est au travers des multitudes de petites actions, comme des grands combats que nous vaincrons la haine par l’exemple. C’est en démontrant chaque jour que faire société est possible, que l’égalité progresse et que la fraternité n’est pas qu’un mot que nous fermerons les vannes de l’obscurantisme. C’est, enfin, en réalisant collectivement, en tant que société, que ce n’est qu’au travers d’un modèle social juste, égalitaire et garant d’accès aux droits pour tous, que nous ferons triompher la bienveillance sur la barbarie.

Parce que la tâche qui nous incombe est de construire un monde meilleur, nous devrons, plus que jamais, avoir confiance en notre capacité à remporter ce combat, et jeter en son sein tout ce que nous avons de force et de volonté !

Pour l’égalité, pour la paix, pour la liberté : battons les clans !

Tribune rédigée par Alexandre Leroy, Président de la FAGE de 2014 à septembre 2016.

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