Rattrapages et contrôle continu : association impossible ?

23/04/14

Par le biais d'une motion de la conférence des présidents d'universités (CPU), le débat sur le contrôle continu a été officiellement posé lundi 14 avril, en pleine séance du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Un groupe de travail va se réunir dès demain pour traiter de cette question.

Loin d'être résolue depuis la décision du tribunal administratif de Strasbourg fin janvier, la question de la place des rattrapages lorsqu'un contrôle continu est organisé se pose avec encore plus d'insistance aujourd'hui.

Ce n'est pourtant pas un sujet récent. Dès le lendemain de la promulgation de l'arrêté Licence en août 2011, Patrick Hetzel, alors Directeur Général à l'enseignement supérieur et à l'insertion professionnelle (DGESIP), publiait une circulaire précisant que contrôle continu et rattrapage n'étaient pas compatibles. Il invente par la même la notion de contrôle continu « intégral », inexistante dans le code de l'éducation. Le tribunal de Nîmes, dès 2008, allait également dans ce sens.

Il est temps d'apporter une réponse à cette problématique. 

Définir le contrôle continu

Il convient tout d'abord de définir ce qu'est le contrôle continu. En effet, cette question n'a jamais amené débat, elle est pourtant centrale. Le contrôle continu est défini par la plupart des acteurs de l'enseignement supérieur comme l'opposé d'un contrôle terminal, c'est à dire comme une succession d'épreuves sanctionnant l'acquisition par l'étudiant des connaissances et compétences cibles. Cette définition n'est pas la bonne.

Le contrôle continu, s'il est en effet caractérisé par une succession d'épreuves, doit d'abord se définir par une approche différente de l'apprentissage. Il serait d'ailleurs plus juste de parler d'évaluation continue, appréciant une progression entre des traces successives d'apprentissages, plutôt que de contrôle, sanctionnant de manière statique l'acquisition de notions.

Car c'est bien là l'intérêt du « contrôle » continu : évaluer une progression dans l'apprentissage afin de détecter le plus tôt possible les lacunes des étudiants pour y apporter un remède avant que ne s'installe la spirale de l'échec.

Rattrapage, seconde session ou deuxième chance ?

En ce sens, on peut convenir que le contrôle continu, par des sessions d'évaluations multiples, permet à l'étudiant de rattraper une mauvaise note grâce à l'évaluation suivante. On dira dans ce cas que le rattrapage, la deuxième session, est intrinsèque. Pas besoin alors d'organiser une session de rattrapage, la deuxième chance est déjà donnée à l'étudiant.

Pourtant, nous ne saurions nous arrêter à cet état de fait qui ne correspond pas toujours à la réalité. En effet, cela ne se vérifie que si la seconde évaluation revient sur les compétences censées être acquises lors de la première évaluation.

Dans certains cas au contraire, les évaluations continues apprécient chacune une ou plusieurs compétences qui ne sont pas liées entre elles. Une deuxième chance, intrinsèque aux évaluations, n'est alors pas donnée à l'étudiant. Il est évalué une seule fois sur chaque compétence.

Dans d'autres cas, les compétences sont imbriquées, liées entre elles de manière progressive. L'acquisition de la compétence B suppose de maitriser la compétence A, celle de la C la maitrise de la B etc. Dans ce cas, on peut donc considérer que l'étudiant a été évalué plusieurs fois sur la compétence A et B, mais bien qu'une seule fois sur la compétence C, la compétence finale, car aucune évaluation n'intervient après.

On comprend donc toute la complexité de cette question. Le contrôle continu n'étant pas toujours organisé de la même manière. On observe d'ailleurs cela dans les universités ayant mis en place un contrôle continu « intégral », notamment Strasbourg et Avignon. On ne peut donc se satisfaire d'une décision unilatérale du tribunal administratif, qu'elle soit favorable (Strasbourg en 2014) ou non (Nîmes en 2008) au rattrapage en cas de contrôle continu, car cette décision ne correspond en fait pas à la réalité du terrain, plus complexe.

Ajoutez à cela les considérations logistiques et financières d'organiser un rattrapage (une seconde session) pour chaque évaluation continue, de savoir quelle amplitude arbore le rattrapage, et la question sera dans l'impasse.

Une réponse pragmatique

Il est donc nécessaire d'appréhender cette question de manière pragmatique, en ne se basant pas sur des slogans mais sur des faits.

La première question à se poser est tout d'abord de savoir si un étudiant doit avoir le droit ou non à une seconde chance dans le cadre de ses modalités d'évaluations.

La réponse de la FAGE est sans ambiguïté et l'a toujours été : chaque étudiant à la droit à une seconde chance dans le cadre de son évaluation. En effet, la FAGE est attachée à une approche par compétences de l'apprentissage, qui ne prend pas en compte le « délai » d'acquisition de la compétence, mais bien si la compétence a été in fine acquise ou pas. Valider son semestre grâce à un rattrapage n'est pas synonyme d'une validation « au rabais », et ne devra jamais l'être.

La deuxième question à se poser est d'identifier quelles formes peuvent prendre cette seconde chance.

Dans le cas où le contrôle continu évaluerait des compétences « isolées », il conviendra d'organiser une session de rattrapage, c'est à dire une session nouvelle, en fin de semestre, visant à rattraper la compétence globale visée par l'unité d'enseignement.

Dans le cas où le contrôle continu évaluerait des compétences « imbriquées », il conviendra d'organiser une session de rattrapage sur la dernière compétence évaluée, c'est à dire sur la dernière évaluation uniquement, afin que chaque compétence soit appréciée au moins deux fois.

Enfin, dans le cas où le contrôle continu organiserait d'office une session d'évaluation finale portant sur l'ensemble des compétences, une session de rattrapage supplémentaire ne saurait être utile car l'étudiant aura déjà été évalué deux fois sur chaque compétence.

Dans tous les cas, un contrôle continu devra être composé de plus de deux évaluations, chacune espacée dans le temps de manière à correspondre à une même intensité pédagogique. Chaque note ne saurait être supérieure à 40 % du barème final, l'écart entre les différentes évaluations ne pouvant dépasser un rapport de 2.

Enfin, la dernière question à se poser est de savoir quels dispositifs spécifiques prévoir pour les étudiants salariés, sportifs de haut niveau, engagés dans la vie associative, les étudiants chargés de famille, etc. Le cadre national des formations, pour lequel la FAGE s'est prononcée favorablement, prévoit en effet des dispositifs adaptés pour ces publics dits « spécifiques ». Il sera donc nécessaire de traiter cette question dans le groupe de travail constitué au sein du CNESER.

La FAGE prendra pleinement part au débat, comme elle l'a fait du temps de l'arrêté Licence de 2011, afin de défendre des dispositifs de réussites précis, tenant compte de la réalité et des disparités entre domaines d'études. En tout état de cause, il est indispensable d'ouvrir ce dossier afin que chaque étudiant soit sur un pied d'égalité, et que chacun puisse bénéficier de méthodes d'évaluations l'éloignant de la spirale de l'échec.

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