Capacités d’accueil : n’y a-t-il vraiment plus de place dans les amphi ?

10/12/14

En l’espace d’une semaine, ce ne sont pas moins de trois universités qui ont décidé de restreindre leurs capacités d’accueil. Brest, Reims et Bordeaux ont ainsi fait le choix de diminuer l’afflux d’étudiants néo-bacheliers. Ce choix est justifié par le manque de place dans les amphithéâtres. Mais qu’en est-il réellement ?

Les universités se sont-elles découvert le droit de sélectionner leurs étudiants ? A en croire certains présidents d’universités, ça serait le cas. En effet, la loi n’est finalement pas si stricte que cela concernant l’accueil des étudiants à l’université. Si la sélection (procédure de choix de la part de l’université des étudiants qu’elle souhaite accueillir) est bien interdite, les universités ont la possibilité, lorsque leurs capacités d’accueil sont dépassées, de procéder à un contingentement afin de limiter l’afflux de nouveaux entrants. Pas vraiment de la sélection à proprement parler donc (les universités ne choisissent pas leurs étudiants), mais c’est tout comme.

Mais le diable se cache dans les détails. A aucun moment dans la loi n’est définie la notion de capacité d’accueil. Ainsi, parle-t-on de capacité d’accueil « brute » au premier jour de l’année universitaire, de capacité d’accueil globale sur le premier semestre ? Sur l’année universitaire ? On sait que le nombre d’étudiants entre le premier mois de l’année universitaire et le dernier n’est pas le même (réorientations, abandons, stages). La loi ne considère-t-elle que le nombre de places dans les salles ou prend-t-elle aussi en compte l’impact d’une optimisation des plannings, ou encore le nombre d’heures réellement enseignées ? Poser ces questions, c’est déjà y apporter des réponses…

Quand les problèmes budgétaires des universités se répercutent sur les étudiants

La source de cette situation est budgétaire. En effet, il ne faut pas nier que les universités rencontrent des problèmes budgétaires graves (GVT, non-compensation par l’Etat des exonérations de frais d’inscription des étudiants boursiers, coupes budgétaires, etc.). Pour autant, à l’heure où certaines universités aimeraient bien sélectionner leurs étudiants, la mise en place de capacités d’accueil apparaît comme une aubaine, légale qui plus est !

C’est ce glissement que la FAGE dénonce. Sous couvert de difficultés budgétaires, certains n’hésitent plus à faire des choix politiques clairs, allant à l’encontre de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Car comment justifier que telle ou telle université fasse baisser ses capacités d’accueil de 900 néo-bacheliers à 600 en l’espace d’une année ? Les amphithéâtres et les enseignants ont-ils soudainement disparus ? Qui pourrait le croire ? C’est donc bien un choix politique sombre que font certains, cachés derrière la loi et ses largesses, adoubé par un ministère qui n’a plus de marge de manœuvre sur la question. Car ajoutez à cela la proposition de ce dernier de ponctionner les universités budgétairement saines pour compenser les errements financiers des mauvaises, et vous aurez là tous les ingrédients d’un casse-tête politique, dont les victimes finales sont les étudiants.

En l’état, l’objectif d’atteindre 50% d’une classe d’âge diplômée du supérieur est inatteignable. Tout le monde le sait, mais personne n’ose bouger, de peur de rompre le fragile équilibre hypocrite actuel. La démocratisation de l’enseignement supérieur est-il encore la priorité du Gouvernement ?

De solutions existent, à condition de lever les conservatismes

La FAGE est une organisation pragmatique et réformiste. Nous ne saurions dénoncer une situation sans y apporter des solutions concrètes. Et des solutions au contingentement existent.

Comment expliquer aujourd’hui que des universités mettent en place un contingentement alors même que le taux d’occupation de locaux n’est pas à son maximum ? Il faut revoir notre rapport au temps dans les universités. Les rythmes universitaires ne sont pas assez adaptés à ces nouvelles contraintes financières. Concentrés sur le début de semaine, l’organisation des enseignements peut-être améliorée, au bénéfice des enseignants et des étudiants !

Comment expliquer que des universités aient recours au contingentement alors même qu’elles n’utilisent pas tout le potentiel des technologies numériques ? L’université de Grenoble a par exemple pu éviter d’avoir recours au contingentement en faisant évoluer sa pédagogie, en utilisant notamment une pédagogie inversée basée sur les technologies numériques. De la même manière, notre rapport au présentiel doit être repensé, afin de mieux articuler enseignement à distance et apprentissage en présence et ainsi dégager du temps !

Enfin, comment expliquer que l’activité pédagogique d’un enseignant-chercheur ne soit pas reconnue ? Le faire permettrait pourtant d’inciter ces derniers à dégager du temps pour les enseignements, et à innover en matière pédagogique afin de trouver des solutions au contingentement, qui ne peut avoir, par son caractère définitif, qu’une conséquence irrémédiable.

Ce sont sur l’ensemble de ces leviers qu’il faut agir afin de faire de la démocratisation de l’enseignement supérieur une réalité. Le contingentement est une sélection déguisée qui ne dit pas son nom. Le carnaval doit cesser !

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous améliorer votre navigation, réaliser des statistiques de visites et vous donner accès à certaines fonctionnalités comme le tchat. En savoir plus et paramétrer les cookies individuellement