« Arrêtons de les mettre dans des cases » : un état des lieux éloquent sur la situation des jeunes

12/04/17

Si les programmes des candidats à l’élection présidentielle peinent à convaincre sur leurs programmes en matière de politiques de jeunesse, et que le bilan de la « Priorité Jeunesse » du quinquennat de François Hollande peut sembler en demi-teinte, la fin de quinquennat est aussi l’occasion de dresser un certain nombre d’états des lieux nécessaires sur l’État de la jeunesse en France.

En cela, le rapport de Célia Verot (Conseillère d’État) et d’Antoine Dulin (Vice-Président du Conseil Économique Social et Environnemental) remis récemment aux ministres de la jeunesse, du travail et de l’éducation nationale apparaît non seulement nécessaire, mais aussi particulièrement pertinent. Intitulé fort judicieusement « Arrêtons de les mettre dans des cases ! », le rapport sur la simplification des politiques jeunesse dresse un panorama complet et critique de l’état de l’action publique en France à destination des jeunes, à l’heure où les chiffres du chômage et de l’abstention chez ces derniers semble crever le plafond.

Car derrière la question de l’accès des jeunes à leurs droits, derrière la question de l’enfermement des jeunes dans des cases, se pose in fine la question de l’accès à l’autonomie, c’est à dire « la capacité des jeunes à se construire personnellement, la capacité à agir ensemble, la capacité à prendre une place dans la société, la capacité des jeunes à contribuer à la construction d’une société et de participer à la transformation sociale1 »

Les jeunes face à la complexité administrative : un facteur de discrimination

Le rapport montre en premier lieu les difficultés spécifiques des jeunes face à l’administration, et le rapport, parfois conflictuel que ceux-ci entretiennent avec celles-ci. En effet, de part les nombreux premières inscriptions, changements de statuts et autres formulaires, les jeunes doivent effectuer de nombreuses démarches administratives, inhérentes au franchissement, année après année, de nombreux seuils d’âges et aux multiples changements de statut. Largement anxiogène, ces premiers rapports à l’administration sont particulièrement dépendants de l’origine sociale, en particulier dans le cadre du processus d’orientation, qui cristallise et reproduit les inégalités sociales2.

Ces « premières fois » administratives, ces inégalités sociales particulièrement flagrantes chez les jeunes en rupture et le manque d’information sur les droits et les procédures administratives font des jeunes une population particulièrement touchée par le non-recours. Non-connaissance ou non-demande, de nombreux jeunes de 18 à 30 ans ne bénéficient pas de droits auxquels ils auraient accès : 18 % déclarent avoir renoncé à des droits, 36 % ne savent tout simplement pas.

Dès lors, la complexité devient un facteur discriminant, renforçant les inégalités sociales déjà fortes parmi les jeunes. En promouvant des dispositifs « conçus simples » pour permettre un véritable accès aux droits et en favorisant l’échange de données entre administrations et les démarches numériques, le rapport met en avant les avancées du quinquennat en la matière (Plan National de Vie Étudiante, Boussole des Droits, choc de simplification) tout en formulant des propositions fortes sur l’information, l’accompagnement et la simplification des démarches en faveur des jeunes.

Les jeunes et les barrières d’âge et de statut : une citoyenneté refusée ?

C’est non sans une certaine stupéfaction que le rapport souligne l’importante diversité des barrières d’âge : si la « majorité civile » est acquise à 18 ans, les droits et devoirs s’acquièrent progressivement de 16 à 30 ans. Droit du travail, domaine pénal, droits sociaux ou civiques, les barrières d’âge sont nombreuses et peu cohérentes, vestiges de l’évolution de la législation. A titre d’exemple, la scolarité obligatoire s’achève à 16 ans, la majorité civile s’acquiert à 18 ans, l’accès au Revenu de Solidarité Active n’est accessible qu’à partir de 25 ans et l’affiliation à la sécurité étudiante ne peut se faire après 28 ans.

En parallèle existent de nombreux « statuts » différenciant les jeunes : étudiants, salariés, apprentis, volontaires ou sans activité, ces différentes situations induisent un degré de protection sociale très variable, et une instabilité profonde en raison des nombreux changements de statuts.

Apparaissant inadaptés, ces barrières d’âge et ces changements de statuts deviennent véritablement discriminatoires quand ils interdisent l’accès à des droits sociaux, comme le Revenu de Solidarité Active, l’indemnisation du chômage ou la Couverture Maladie Universelle. Comme l’indique Tom Chevalier dans ses travaux sur les droits sociaux des jeunes en Europe, le modèle « familialisé » français considérant les jeunes comme à charge de leurs parents créé les conditions d’une « citoyenneté sociale refusée3».

Malgré cette inadéquation du système de protection sociale avec les besoins des jeunes pour accéder à l’autonomie, le rapport d’Antoine Dulin et Célia Verot souligne les avancées du quinquennat de François Hollande en matière de dispositifs qui se sont progressivement simplifiés et universalisés, notamment au travers du Parcours Contractualisé vers l’Emploi et l’Autonomie et de la Garantie Jeunes. Reste néanmoins une marge de progression importante en matière de minimas sociaux, d’accès au logement et de couverture santé pour des jeunes aux parcours complexes et fractionnés, pour aller vers des droits universels.

Présidentielle 2017 : pour un Big Bang des politiques de jeunesse ?

Le rapport d’Antoine Dulin et Célia Verot, s’il n’est pas exhaustif, faisant notamment l’impasse sur le régime défaillant de sécurité sociale étudiante, pose un diagnostic nécessaire et pertinent, qui vient judicieusement rejoindre le rapport de France Stratégie sur l’insertion professionnelle des jeunes et dressant ainsi un panorama complet de la situation des jeunes en France en 2017.

Ce diagnostic global fait ainsi ressortir, outre la situation particulièrement difficile des jeunes, la nécessité d’un nouveau paradigme en matière de politiques jeunesse. C’est pour cela, qu’avec de nombreuses organisations de jeunesse, la FAGE revendique un véritable Big Bang des politiques jeunesse, mettant fin aux logiques de dispositifs et plaçant la question de l’autonomie des jeunes au centre des priorités politiques.

Sources

1 Arrêtons de les mettre dans des cases ! Pour un choc de simplification en faveur de la jeunesse, Rapport au Premier Ministre, DULIN Antoine et VEROT Celia, p.17-18

2 Op. Cit. p.18

3 Op. Cit. 59

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