Le discours de Claire Guichet au Conseil économique, social et environnemental (CESE)

30/10/13

Claire Guichet, Présidente de la FAGE de 2008 à 2010 a prononcé le 22 octobre 2013 en séance plénière du Conseil économique, social et environnemental (CESE) un discours au nom du Groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse. Effectivement, le Groupe constate avec consternation que les annonces gouvernementales d'un rajeunissement des Conseils économiques, sociaux et environnementaux Régionaux (CESER) n'a pas été suivi d'effets tangibles. Les jeunes et leurs organisations restent donc une nouvelle fois à la porte des institutions. Une désillusion de plus pour la jeunesse clouée sur le banc des spectateurs de la construction des politiques publiques. 

Discours prononcé au nom du groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse lors de la séance plénière du 22 octobre 2013 par Claire Guichet :

Chers collègues,

Vous le savez, les décrets de renouvellement des CESER sont en cours de publication. Alors que le conseil interministériel de la jeunesse de février actait la nécessité de créer des collèges jeunes dans les CESER, pour concourirà l'objectif d'une meilleure représentation des jeunes dans l'espace public et au rajeunissement d'assemblées dont la moyenne d'âge est supérieure à 62 ans, c'est avec une certaine consternation que nous constatons que les portes de ces institutions sont toujours fermées aux organisations de jeunes et mouvements de jeunesse.

Les engagements gouvernementaux pour une meilleure représentation des jeunes passant par le développement et l'accès aux institutions des organisations qu'ils dirigent ont créé l'espoir d'un véritable changement des mentalités. Enfin, on reconnaissait qu'il ne s'agissait pas de parler au nom des jeunes, mais de les laisser parler, de les intégrer au débat public et de faire en sorte que leurs actions se pérennisent.

Cette espérance fut déjà teintée de déception lorsqu'on apprit que non seulement les CESER n'auraient pas de collèges spécifiques mais qu'en plus aucune disposition réglementaire ne contraindrait à nommer un minimum de représentants de la jeunesse dans ces institutions territoriales. Seule une circulaire demande que la composition des CESER intègre plus de jeunes et de représentants des organisations de jeunesse.

Devant nos demandes d'une intervention contraignante de l'Etat, certains ont souligné notre défaitisme et la nécessité de croire au volontarisme. Hélas, force est de constater qu'il est bien faible lorsqu'il s'agit de faire la place à la jeunesse. Alors que Valérie Fourneyron estimait devant le Forum Français de la Jeunesse que les CESER compteraient 150 jeunes de moins de 30 ans, et particulièrement des organisations de jeunes, cette deuxième ambition est loin d'être tenue.

En effet, si nous espérons effectivement que les organisations qui ont obtenu des sièges nommeront un certain nombre de personnes de moins de 30 ans, ce qui ne devrait pas nécessiter un décret et est déjà le cas par exemple via les Jeunes Agriculteurs, les centres de Jeunes Dirigeants ou encore les Jeunes chambres économiques, les organisations de jeunes dont l'objectif est de porter la voix des jeunes en tant que telle sont très peu voire pas représentées.

La moitié des 21 CESER dont les décrets sont parus n'observeront aucune modification en faveur des jeunes : ils se sont contentés de renouveler un siège pour leur Comité régional des Associations de Jeunesse et d'Éducation Populaire. Ces regroupements, où les organisations de jeunes participent certes parfois, ont cependant une moyenne d'âge très élevée, car la part des organisations qui agissent en faveur des jeunes y est largement supérieure à celle des organisations dirigées par des jeunes. Sous l'ancienne mandature, la moyenne d'âge des représentants de la Jeunesse issus des CRAJEP était de près de 60 ans. Les représentants étaient pour la plupart des hommes, salariés de l'éducation nationale ou d'associations d'animation, souvent même retraités.

Sans remettre en cause l'action de ces mouvements, il nous semble ici important de rappeler qu'agir pour une catégorie de population n'est pas équivalent à s'en trouver porte-parole. C'est la longue histoire de l'acquisition de la légitimité que connaissent les mouvements de patients, de précaires ou encore de consommateurs, qui ne sauraient être représentés uniquement par la voix des soignants, des travailleurs sociaux ou des producteurs. Ce n'est certainement pas comme cela que l'on permet à une catégorie de population de s'exprimer et de participer à la définition des politiques publiques. Ce n'est certainement pas comme cela que l'on donnera aux 18-30 ans leur place dans la vie de la cité. Et enfin, ce n'est certainement pas comme cela que l'on réussira à renforcer et à légitimer l'engagement des jeunes dans leurs organisations.

Seuls deux CESER ont fait le pari de nommer directement des organisations de jeunes et d'engager ainsi, à l'échelle régionale, une reconnaissance de leur légitimité, pour aller vers un partenariat institutionnalisé avec les jeunes. Certes, en revanche, dix CESER vont permettre une représentation des organisations étudiantes de leur territoire et, dans la plupart des cas, les critères de représentativité ont été respectés, ce qui semble être un minimum. Aucune région ne leur a attribué plus d'un siège cependant. Il est d'ailleurs particulièrement choquant de remarquer que parmi les CESER qui n'accordent aucune place aux étudiants se trouvent les académies qui en comptent le plus : les 600 000 étudiants d'Ile-de-France et les 250 000 étudiants de Rhône-Alpes, notamment, apprécieront la considération qui leur est accordée.

Encore plus que ces résultats déplorables, nous sommes atterrés par les argumentaires qui circulent depuis le début des négociations pour les nominations. Dans bon nombre de régions, les jeunes qui ont sollicité un siège pour représenter leurs organisations ont entendu les mêmes arguments surannés que ceux auxquels nous avions dû faire face pour intégrer notre assemblée. Les jeunes n'auraient pas de connaissances particulières. La représentation de leurs organisations serait remplaçable par le rajeunissement de la représentation des autres organisations. Ils n'auraient pas le temps de siéger. Voire même ils n'auraient pas de légitimité à le faire. Dans certaines régions, des tractations honteuses vont même jusqu'à leur proposer des nominations à condition qu'ils renoncent à leurs indemnités au profit d'autres coordinations, qui ont des sièges à pourvoir mais n'ont pas de jeunes ou de femmes à proposer.

Ces arguments factices, qui rappellent ceux auxquels ont dû s'opposer les femmes ou les représentants de la diversité, pourraient faire sourire s'ils n'étaient pas devenus si lassants. Alors même que la Ministre de la Jeunesse a tenté d'encourager les préfets à nommer des organisations de jeunes, ces discours sont tenus par des représentants de l'Etat en région, des élus régionaux et même, disons le franchement, des représentants régionaux des organisations de la société civile auprès desquelles nous siégeons ici.

Depuis plus de trois ans, notre groupe a pourtant tenté de prouver que nous n'étions ni moins capables, ni moins présents, ni moins impliqués ou légitimes qu'aucun autre conseiller dans cet hémicycle. Malgré notre petit nombre nous siégeons dans de nombreuses sections et participons activement aux travaux comme membres de section et comme rapporteurs. Nous souhaitons que notre travail participe dans la durée à éradiquer de tels préjugés sur la jeunesse. Et si ces décrets de renouvellement sont une preuve qu'il reste encore beaucoup à faire, nous espérons voir un certain nombre d'entre vous s'engager pour accompagner le progrès nécessaire.

Il a été plusieurs fois ici reconnu que les changements sociétaux ont créé ce qu'il convient désormais d'appeler une nouvelle phase de la vie : la jeunesse. Cette période de formation, d'insertion dans l'emploi et le logement, de construction d'un projet personnel, professionnel et familial. Cette période trop souvent marquée par la précarité et l'inadaptation des politiques publiques. Nous avons par ailleurs souvent souligné le besoin de regards neufs et prospectifs. Il est temps de transformer nos discours en actes : nous sommes tous ici en capacité de travailler à une meilleure insertion des jeunes dans la société. Nous devons nous y engager fermement, avec tous les moyens à notre disposition, dont la représentation dans les institutions. La représentation dans les CESER est un premier pas, qui ne devrait pas être si difficile à franchir. Il faut agir vite si nous souhaitons limiter les dégâts déjà occasionnés. Nous comptons sur vous pour agir en ce sens.

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