Service obligatoire : le sens civique ou la prison !

29/01/2015

Mardi, Hugues Fourage, le porte parole du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale annonçait l’ouverture, avec l’aval du Gouvernement, d’un groupe de travail devant déterminer les modalités de mise en place d’un service obligatoire non indemnisé, pour tous les jeunes de 16 à 26 ans. Cette annonce acte un revirement inacceptable alors que le Gouvernement s’engageait, il y a quelques jours, à investir dans le dispositif actuel de service civique pour permettre à chaque jeune qui le souhaite de s’engager.

Le service civique : un dispositif qui a fait ses preuves !

La FAGE a toujours soutenu le service civique volontaire1. Présente dès la création du dispositif et impliquée dans son déploiement, notamment par la mise à disposition de missions au sein de son réseau d’associations étudiantes, la FAGE est attachée à ce que l’engagement soit accessible à chaque jeune indépendamment de son origine géographique, sociale ou encore de son niveau d’études.

Le service civique est aujourd’hui un succès. Proposant des missions longues d’intérêt général au sein d’organismes assurant un encadrement du jeune ainsi qu’une indemnité garantissant que l’accès au dispositif ne soit pas restreint.

Le service civique est même victime de ce succès : comme le rappelait François Chérèque (Président de l’Agence du Service Civique) ce 29 janvier, ce sont actuellement 3 à 4 demandes qui sont formulées pour 1 possibilité d’engagement ; ce qui ne permet donc pas à tous les jeunes ayant la volonté de s’engager de pouvoir le faire. La FAGE appelle ainsi, depuis plusieurs mois, le Gouvernement à s’engager concrètement à financer la montée en charge du dispositif afin qu’aucun jeune ne se voit refuser un accès facilité à l’engagement2.

Le service civique créé effectivement du brassage social, mais pas seulement. Le service civique permet aux jeunes de s’intégrer dans une mission à réelle plus value sociale, grâce à des actions faisant sens et accordant une large part à l’initiative collective, à la cohésion sociale et aux valeurs de solidarité, de fraternité et de promotion de l’égalité, chères à notre République.

Le service civique est d’autant plus riche, qu’il permet à de nombreux jeunes une prise de recul nécessaire à la définition de leur projet d’avenir qu’ils peuvent co-construire avec leurs tuteurs dans les structures d’accueil. Ce dispositif ouvre des perspectives aux jeunes, et c’est sûrement là sa plus grande vertu !

Promouvoir l’engagement, sous toutes ses formes, doit notamment se réaliser par l’investissement dans le service civique. En réaffirmant les valeurs fondamentales du volontariat, de l’indemnisation, de la durée suffisante des missions et du caractère d’intérêt général de ces dernières, le Gouvernement doit réaffirmer sa volonté d’agir, et non pas de punir ou de multiplier les effets d’annonce.

La FAGE demande par ailleurs la création d’une année de césure permettant à tous les étudiants de s’engager sans mettre en péril leur parcours universitaire, cette césure pouvant notamment être consacrée à un engagement de service civique.

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Pourquoi punir les jeunes ?

Lors de ses voeux au monde économique, puis aux corps constitués, François Hollande avait annoncé et réaffirmé sa volonté de voir le service civique dans sa version actuelle monter en charge très vite vers les 100 000 volontaires, puis d’ici à 2017, permettre à tout jeune en manifestant la volonté de s’engager (soit 150 000 à 170 000 jeunes par an). Ces annonces allaient dans le bon sens, et la FAGE s’en était félicitée3, mais les projets récents des parlementaires viennent les remettre en cause.

Alors que les parlementaires de droite prônent un retour à l’époque de la conscription, soutenant que seul un passage par la case treillis pourra résoudre les maux de la société, le porte-parole des députés socialistes a annoncé mardi le lancement, validé par le gouvernement, d’un groupe de travail consacré à la mise un place d’un service obligatoire de six mois.

Il convient de garder en mémoire que l’ensemble des représentants de la jeunesse dont la FAGE4, ANIMAFAC5 et le Forum Français de la Jeunesse6 mais aussi le Mouvement associatif et la plateforme interassociative pour le service civique7, se sont exprimés sur la question du service civique en refusant que ne lui soit substitué un service obligatoire, qui plus est non indemnisé et d’une durée largement insuffisante pour permettre une participation effective. Encore une fois, nos responsables politiques font la sourde oreille à la parole des jeunes et préfèrent, en leur nom, définir ce qui est bien pour eux, quelle doit être leur place et quelle doit être leur participation à la vie citoyenne.

Si les jeunes participent de moins en moins à la chose publique, si l'abstention monte, n’est-ce pas aussi au regard de cette non considération permanente des jeunes ? Ainsi plus d’un jeune abstentionniste sur deux l’est par déception et en impute la responsabilités aux politiques8. Ces propositions autour d’une obligation de service laissent à penser que les jeunes sont coupables, et qu’il faut les punir, les contraindre et les mettre au travail. Elles prévoient notamment qu’en cas de non-respect de la période de service, les jeunes encourent des amendes et des peines de prison

Mesdames et Messieurs les députés, la citoyenneté et le sens civique ne se décrètent pas, et encore moins sans consulter les principaux intéressés des réformes proposées. À cet égard, la FAGE demande depuis plusieurs années la mise en place d’une Clause Impact Jeunesse9, permettant lors de l’élaboration des projets de loi de ne plus considérer les jeunes comme des objets politiques, mais comme des acteurs à part entière.

Le civisme et le respect des valeurs républicaines ne peuvent faire l’objet d’une “certification” qui interviendrait après un “stage intensif” de redressement moral de la jeunesse. À une logique de méfiance et de coercition, la FAGE préfère une logique de confiance et cohésion : la France doit faire confiance à sa jeunesse et lui donner les moyens d’agir, de participer et de dessiner les perspectives de son avenir.

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Sens civique, valeurs républicaines : l’action par l’éducation

Face au constat de la participation de plus en plus faible des jeunes à la vie politique et publique, face au constat de la montée de la défiance des jeunes envers les institutions publiques il est nécessaire d’agir. La réponse ne réside pas dans la coercition et ne doit pas se résumer à un “coup de communication” autour d’un dispositif qui ne saurait être que l’arbre cachant la forêt, mis en avant au lieu de régler les problèmes de manière pérenne.

La réponse doit se définir par plus d’égalité au quotidien. En France, l’inégalité progresse année après année ; qu’il s’agisse d’accès aux droits, aux services publics, à l’éducation, à la santé, au logement, à la culture … Nous ne sommes, en 2015, toujours pas égaux. Comment demander sincèrement à un jeune pour qui l’action de la République est imperceptible d’en promouvoir spontanément les valeurs ? Chaque jeune doit être accompagné dans l’ouverture et la définition de perspectives d’avenir, chaque jeune doit avoir le simple droit de se projeter, de se former et de participer, et cela, tous les services obligatoires du monde ne peuvent pas y contribuer.

La mixité sociale doit exister au sein du système éducatif, dès l’école et jusqu’à l’Université. Il est terrible de constater que l’enseignement supérieur multiplie par trois les inégalités sociales. La FAGE demande qu’un vrai plan de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur soit engagé10, en oeuvrant notamment pour l’amélioration des aides sociales, de l’orientation et des mesures pédagogiques visant à favoriser la réussite du plus grand nombre.

Investir dans l’éducation, c’est investir dans l’avenir en faisant confiance à ses principaux architectes : les jeunes. La FAGE appelle ainsi les responsables politiques des différents partis à privilégier le choix de la considération et de la confiance à celui de la punition collective et de la méfiance. Les jeunes n’accepteront pas que le service civique soit mué en un dispositif coercitif et obligatoire, qui plus est, grâce à un argumentaire qui aimerait à faire penser qu’ils sont coupables d’un été de fait dont ils sont, en fait, les premières victimes.

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